« Dans le CNRS d’aujourd’hui, je ne serais pas là. J’ai été recrutée comme professeur du secondaire sur un poste d’accueil, et cela n’existe plus. Or cette perméabilité secondaire-supérieur-recherche tirait magnifiquement parti de la forte singularité française qu’est la classe de philosophie. Quel dommage de se priver d’une circulation aussi féconde, qu’elle soit longue comme au CNRS, ou temporaire, comme au Collège International de Philosophie ».
Philosophe, académicienne, et directrice émérite de recherche CNRS au sein du Centre Léon Robin de Recherche sur la pensée antique (unité mixte avec l’Université Paris-Sorbonne), Barbara Cassin, s’est vu décerner le 27 septembre 2018 la médaille d’or du CNRS.
La philosophe et philologue, élue à l’Académie des sciences en mai 2018, a travaillé autour de projets phares durant son parcours.
Parmi eux, le Dictionnaire des intraduisibles, projet encyclopédique sur les concepts philosophiques et la manière dont ils se disent et dont ils passent d’une langue à l’autre. Cet ouvrage a rassemblé plus de 150 auteurs, philosophes et traducteurs et examine plus de 1 500 mots du langage philosophique confrontés à la difficulté de leur traduction dans une quinzaine d’autres langues.
On trouve également Les Maisons de la sagesse-traduire, un dispositif qui comporte trois volets :
- Un glossaire de la bureaucratie française, autour de l’accueil des migrants
- Une banque culturelle qui lie micro-crédit et objets-témoins d’un parcours et d’un récit de vie
- Un réflexion sur les intraduisibles des trois monothéismes, autour des blocages religieux.
Barbara Cassin a également travaillé à la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud lors de l’avènement de Nelson Mandela.
C’est en récompense de l’ensemble de son parcours dédié à la force du langage et à sa diversité, que le 29 novembre 2018 Barbara Cassin s’est vu décerner, des mains de Frédérique Vidal, ministre de l’ESRI, la médaille d’or du CNRS (récompense scientifique française la plus prestigieuse), lors d’une cérémonie au Grand amphithéâtre de la Sorbonne à Paris.
« Vous êtes la cinquième femme lauréate de la médaille d’or du CNRS », souligne Antoine Petit, P-DG du CNRS. « Ce n’est certes pas un exploit pour une récompense qui existe depuis 1954, mais vous êtes la troisième en cinq ans(1). Cette accélération montre que le temps de la parité s’impose aujourd’hui au CNRS comme, espérons-le, partout ailleurs ». De son côté, Frédérique Vidal a estimé que « cette médaille d’or 2018 a un goût d’inédit : d’abord parce qu’elle est décernée à une femme, ce qui n’est pas encore assez courant dans le monde de la science pour ne pas être souligné. Ensuite parce qu’elle vient distinguer une discipline rarement dans la lumière, la philosophie ». Le fait que la philosophe reçoive cette médaille d’or du CNRS, aura permis de mettre en avant le domaine de la philosophie mais également de représenter les femmes au sein des domaines scientifiques.
L’ensemble des recherches de Barbara Cassin autour de l’ouverture à la société et la prise sur le monde réel, représente un enjeu important pour le CNRS. C’est pour cela qu’elle sera au centre de l’ensemble des événements mis en place en 2019 pour fêter les 80 ans du CNRS.
Enfin, Barbara Cassin, désormais académicienne, a prononcé son discours d’intronisation le jeudi 17 octobre 2019. Elle est la neuvième femme à rejoindre l’Académie française, située au Quai Conti.
(1) Après Margaret Buckingham, biologiste, en 2013, et Claire Voisin, mathématicienne, en 2016